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ŒUVRES DE FONTANES.

patriarche est porté par ses fils, après sa mort, à la cave de ses pères, dans le champ d’Ephron. Ces mœurs-la sont plus vieilles encore que les mœurs homériques, parce qu’elles sont plus simples : elles ont aussi un calme et une gravité qui manquent aux premières.

« 3°. La narration. La narration d’Homère est coupée par des digressions, des discours, des descriptions de vases, de vêtements, d’armes et de sceptres, par des généalogies d’hommes ou de choses ; les noms propres sont hérissés d’épithètes ; un héros manque rarement d’être divin, semblable aux Immortels, ou honoré des peuples comme un Dieu ; une princesse a toujours de beaux bras ; elle est toujours faite comme la tige du palmier de Delos, et elle doit sa chevelure à la plus jeune des Grâces.

« La narration de la Bible est rapide, sans digression, sans discours ; elle est semée de sentences, et les personnages y sont nommés sans flatterie. Les noms reviennent sans fin, et rarement le prénom le remplace ; circonstance qui, jointe au retour fréquent de la conjonction et, déclare, par cette prodigieuse simplicité, une société bien plus près de l’état de nature que celle qu’Homère nous a peinte. Tous les amours-propres sont déjà éveillés dans les hommes de l’Odyssée ; ils dorment encore chez les hommes de la Genèse.

« 4°. Descriptions. Les descriptions d’Homère sont toujours longues, soit qu’elles tiennent du caractère tendre, ou triste ou gracieux, ou fort, ou terrible, ou sublime.

« La Bible, dans tous ses genres, n’a ordinairement qu’un seul trait ; mais le trait est frappant et met l’objet sous les yeux.

« 5°. Les comparaisons. Les comparaisons homériques sont prolongées par des circonstances relatives. Ce sont de petits tableaux suspendus au pourtour d’un édifice, pour délasser la vue de l’élévation des dômes, en l’appelant sur des scènes de paysages et de mœurs champêtres.

« Les comparaisons de la Bible sont presque toutes rendues en quelques mots. C’est un lion, un torrent, un orage, un incendie, qui rugit, tombe, ravage, dévore. Toutefois, elle connaît aussi les comparaisons détaillées ; mais alors elle prend un ton oriental et personnifie subitement l’objet, comme l’orgueil dans le cèdre, etc.

« 6°. Le sublime. Enfin, le sublime dans Homère naît ordinairement de l’ensemble des parties, et arrive graduellement a son terme. Dans la Bible il est toujours inattendu. Il fond sur vous comme l’éclair, etc., etc., etc. »