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ŒUVRES DE FONTANES.

veut répandre aujourd’hui des idées et des sentiments de la même nature.

À force de vouloir s’écarter des opinions reçues, on accumule des paradoxes bizarres ; quand on a pris une fausse route, on tombe d’erreurs en erreurs et d’obscurités en obscurités ; on finit par ne plus s’entendre soi-même.

« Le malheur chez les Grecs, dit-on dans cette nouvelle poétique, offrait aux peintres de nobles attitudes, aux poëtes des images imposantes… Mais ce qu’on représente de nos jours, ce n’est plus seulement la douleur offrant un majestueux spectacle, c’est la douleur dans ses impressions solitaires, sans appui comme sans espérance ; c’est la douleur telle que la nature et la société l’ont faite. »

Que veut-on dire en assemblant des expressions aussi singulières ? la douleur n’est-elle pas toujours le résultat des maux causés par la nature et par la société ? n’est-elle pas faite aujourd’hui comme elle l’était autrefois ? et, pour parler le langage de l’auteur, où peignit-on jamais mieux que dans le sujet de Philoctèle, la douleur abandonnée à ses impressions solitaires ?

Madame de Staël, toujours inspirée par le même esprit philosophique, prétend que les fables anciennes ne doivent plus entrer dans la poésie moderne. Je conviens avec elle qu’un grand nombre d’images mythologiques fut employé jusqu’au dégoût ; mais qu’elle y prenne garde ! celles-là sont toujours dédaignés par le talent, et ne se trouvent que dans les vers de la médiocrité. Il est un merveilleux qui plait à l’âme et à la