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ŒUVRES DE FONTANES.

convenances qui distinguent les anciens modèles, mais avec une énergie peu commune, et inconnue jusqu’à lui dans la langue française.

Ce n’est pas qu’il n’ait de grands défauts. Il traitait les principes du goût avec le même mépris que nos anciens usages. Son style est violent plutôt qu’animé ; il est plein de métaphores peu naturelles et incohérentes ; des expressions triviales et recherchées y révoltent, à chaque instant, les lecteurs qui ont étudié les maîtres ; il a du mouvement, mais non pas toujours progressif et soutenu ; ses idées enfin sont rarement neuves : il n’a, dans ses meilleurs morceaux, ni la profondeur de Montesquieu, ni l’éloquence passionnée de Rousseau, ni la richesse de Buffon ; et cependant les meilleurs critiques le regardent comme le seul orateur français qui nous ait donné quelque idée de Démosthène.

Il me semble, en un mot, qu’on peut appliquera Mirabeau ce que disait Boileau d’un écrivain de son temps : On y trouve la matière d’un grand esprit, mais la forme y manque. Si Mirabeau avait vécu plus longtemps, il aurait pu justifier tous les éloges de ses admirateurs. Ses idées et ses talents se perfectionnaient à mesure que sa raison supérieure s’élevait au-dessus de l’esprit de faction et de l’influence des vices qui avaient longtemps égaré sa jeunesse.

On sait qu’il est mort effrayé de l’abîme creusé par lui-même, et plein de mépris pour les tribunes formées à son école. La perte de cet homme, auteur de tant de désordres, parut une calamité réelle ; et