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ŒUVRES DE FONTANES.

toutes les passions sans les épurer et les ennoblir, et de jour en jour on s’apercevra que ce moyen, si commode quand on veut détruire, n’est pas si sûr quand on veut créer et maintenir de nouvelles institutions.

Quoi qu’il en soit, le siècle des grandes lumières ne paraît pas celui des grands caractères. À tous les hommes d’État nés parmi les troubles de l’ancienne monarchie française, nos dernières assemblées nationales ne peuvent guère opposer que leur Mirabeau. On doit le regarder en effet comme le créateur de la révolution française, et c’est une idée heureuse d’avoir rassemblé ce qu’il y a de meilleur dans ses ouvrages.

L’enthousiasme ou la haine ont souvent jugé cet homme singulier. Je ne l’ai jamais rencontré que deux fois dans le cours de ma vie ; je n’ai pour lui ni haine, ni enthousiasme. J’en parlerai avec impartialité. Mirabeau partagea tous les vices et toutes les lumières de son siècle ; et les premiers ne l’aidèrent pas moins que les secondes à obtenir une grande influence sur les États-généraux.

Il naquit dans une famille où l’esprit de système, où l’orgueil et la haine avaient passé la mesure ordinaire. Il conserva toujours ces funestes impressions de son enfance. Il fut élevé parmi tous ces réformateurs qui attaquaient les opinions politiques, après avoir ébranlé les opinions religieuses. Voltaire avait beau leur crier : Ne combattons pas à la fois la religion et les gouvernements ; débarrassons-nous de la première.