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Destins conçus et en grande partie composés avant la défaite ; sorte de dissertation allégorique où l’inspiration aurait de l’analogie avec certaines poésies anglaises sauf leur palpitante fluidité, la Révolte des Fleurs n’est point parmi les meilleures productions de l’auteur. Au contraire, on distingue d’admirables morceaux dans les Destins où le Mal et le Bien, jaloux de créer deux mondes, les dotent identiquement de l’amour et de la souffrance, de l’Injustice et de l’Idéal : ainsi nos révoltes contre la condition terrestre doivent-elles s’apaiser en une acceptation sereine des mystérieuses énergies extra-humaines :

Oui, Nature, ici-bas mon appui, mon asile,
C’est ta fixe raison qui met tout en son lieu ;
J’y crois et nul croyant plus ferme et plus docile
Ne s’étendit jamais sous le char de son dieu.

Fais-moi crier longtemps, fais-moi crier encore,
S’il te faut ces cris-là pour ébranler aux cieux
Quelque rayon vibrant d’une étoile sonore
Dans un chœur sidéral invisible à mes yeux.

Pour nourrir une fleur, de tout mon sang dispose,
Si quelque fleur au monde aspire un suc pareil ;
Tu peux tuer un homme au profit d’une rose,
Toi qui, pour créer l’homme, éteignis un soleil…

Ne mesurant jamais sur ma fortune infime
Ni le bien, ni le mal, dans mon étroit sentier
J’irai calme, et je voue, atome dans l’abîme,
Mon humble part de force à ton chef-d’œuvre entier.