Page:Fleuriot - Mon sillon.djvu/185

Cette page a été validée par deux contributeurs.

170
mon sillon.

de me le mander sans plus tarder. Nous sommes tous un peu sombres par Damper. Madame Després est de plus en plus soucieuse, Fanny Bourgeauville, que rien ne déride non plus, a imaginé d’aller rejoindre une de ses parentes qui habite la nouvelle paroisse de notre oncle Jérôme, Tack a des rhumatismes, le blé renchérit, la neige éclatante et la glace ont fui loin de nous et une pluie quotidienne inaugure le printemps. Tante Marie seule file dans son inaltérable sérénité et ne maugrée contre rien. J’avoue que depuis huit jours je maugréais beaucoup contre la pluie. Au fond, c’était ton silence qui m’aigrissait quelque peu l’humeur, mais je disais à tout le monde que c’était la pluie. Les gens les plus vrais ont de ces sincérités-là. Cette innocente pluie s’est vengée pendant ma dernière promenade, comme se vengent les justes, en me faisant du bien. Grâce à elle ma course obligée parmi nos affreux chemins boueux est devenue tout à fait charmante. Le soleil, qui est le plus grand enchanteur que je connaisse, s’était mis à rayonner et toutes ces flaques d’eau où se mouillaient mes pieds lui servaient de miroir. C’était éblouissant.