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mon sillon.

rent j’ai cru rencontrer chez lui, outre une intelligence d’élite, une bienveillance dont tous les visages parisiens ne portent pas l’encourageant cachet. M. de Raurond est un vieil épicurien qui ne sait plus que chercher des inspirations pour bien assaisonner ses sauces ; M. Talrot est une autre variété d’égoïste. Il m’a bien reçu et je suis sorti de chez lui tout découragé, tant il s’était cruellement raillé de mes pauvres espérances. J’ai eu pendant le reste du jour devant les yeux ce malin vieillard habillé de sa robe de chambre d’orléans gris à manches à poignets, coiffé de son bonnet grec brodé de jaune avec son nez crochu, ses joues saillantes enduites d’une légère couche de vermillon, sa bouche qui fait trou entre ces joues enluminées, son sourire aiguisé, sarcastique. Ce vieux-là doit passer ce qui lui reste de vie à se moquer des autres. Je ne le reverrai pas. À quoi bon ? Rira bien, je l’espère, qui rira le dernier.

En sortant de chez lui j’ai été presque coudoyé par Charles Després. À Damper la vie de Charles et la mienne ne se ressemblaient guère, bien que nous fussions clercs dans la même étude ; à Paris elle se ressemble moins encore.