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mon sillon.

causé de la Bretagne que nous quittions, causé de Paris qui nous était également inconnu. Grâce à lui je n’ai pas eu le temps de faire sur le paysage les réflexions mélancoliques que tu m’as prêtées. Mais je n’ai pu échapper aussi complètement aux parleurs des wagons. Ils parlaient si haut, ces bonnes gens ! Et le pivot de leur conversation était toujours le moi, le moi haïssable. Moi, je suis de l’Anjou, moi, je ne voyage que pour mes affaires, moi, je n’aime que le Petit Journal, moi, j’ai visité la Normandie, moi, j’ai fait la campagne d’Italie. Moi !

Que de fois je suis resté la tête à la portière uniquement pour échapper à tout ce verbiage. Alors, par le seul aspect de tout ce qui m’entourait, je m’apercevais que j’étais déjà bien loin de vous. En Bretagne les ponts sont formés de granit, plus loin le bois se joint à la pierre, plus loin encore de légères colonnettes de fonte remplacent les piles majestueuses. C’est joli mais cela ne nous ressemble pas.

Un train nous a passé, un parfum est venu jusqu’à nous, et notre œil a entrevu des monceaux de pommes éclatantes. Il n’y avait plus d’arbres dans les champs, mais des arbustes