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THÉÂTRE.

Le Général, regardant au loin.

Inutile ! je crois que les voilà.

Amédée, même jeu.

Oui ! toutes les trois… et ma tante, et Mme Duvernier… Cinq femmes ! comme ça tient de la place !

Le Général.

Avec la toilette qu’elles ont aujourd’hui, parbleu ! Et même je ne sais comment un homme peut y suffire ! D’autant plus que la simplicité, mon Dieu, un joli petit bonnet !…

Monsieur des Orbières.

Autre signe des temps, général ; toute la valeur d’un siècle se reconnaît à la façon dont les femmes s’habillent. Aux époques viriles, pas d’étalage, nulle pompe ; vous les voyez glisser entre les événements, minces et fluettes, dans des sarraux ou des gaines. Mais que l’homme s’endorme et que les cœurs se relâchent, tout à coup leur coiffure se dresse à leur front comme une menace, leurs hanches s’élargissent dans des proportions formidables, elles débordent les voitures, elles font craquer les murailles ; on dirait qu’elles veulent toucher le ciel de leur front et abriter le monde avec leur jupe.

Amédée.

Très bien !

Le Général, serrant la main de M. des Orbières.

Vous me faites plaisir, quand vous parlez, vous ! non, là, sérieusement, vous me faites plaisir !