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THÉÂTRE.

Quatrième fée.

Sommes-nous toutes réunies ?

Toutes en chœur.

Oui. Toutes, toutes !

Cinquième fée.

Il fait nuit, la terre dort ! C’est notre heure ! Allons, sautez, papillons !

D’énormes phalènes lumineuses, s’élançant des arbres, se mettent à voleter dans l’air en même temps que les Fées à danser, sur un rythme lent, avec un bourdonnement de flûte.

Chœur des fées.

Puisqu’on nous chasse de partout, dans le jour, chez les hommes, prenons nos ébats en liberté, pendant la nuit, dans les bois.

Les hommes sont méchants, mais la nature est bonne. Le pavé des villes est dur, mais l’herbe des prairies est douce.

Ne souillons plus nos pieds dans leur l’ange, ne brisons plus nos cœurs contre leur poitrine.

Le suc de l’euphorbe est moins perfide que leurs tendresses, la feuille desséchée qui roule au vent d’automne plus constante que leurs serments…

Assez de fatigue ! Tant pis pour eux ! Débarrassées de tout soin humain, nous n’en serons que plus heureuses.

Nous ne quitterons plus nos régions natales, la liberté de l’air, des eaux et des bois.

Balançons-nous, suspendues aux lianes des arbres avec la rosée des nuits d’été ; courons sur la surface des lacs bleus, cramponnées au dos des demoiselles ; remontons vers le soleil, dans les rayons poussiéreux qui passent par le soupirail des celliers ! Allons ! vive la