Page:Flaubert - Salammbô.djvu/96

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Lève-toi ! dit-il à Mâtho.

Et il le fit s’adosser contre le mur, tout debout.

Alors, posant un pied dans ses mains, puis un autre sur sa tête, il parvint jusqu’à la hauteur du soupirail, s’y engagea et disparut. Puis Mâtho sentit tomber sur ses épaules une corde à nœuds, celle que Spendius avait enroulée autour de son corps avant de s’engager dans les citernes ; et, s’y appuyant des deux mains, bientôt il se trouva près de lui dans une grande salle pleine d’ombre.

De pareils attentats étaient une chose extraordinaire. L’insuffisance des moyens pour les prévenir témoignait assez qu’on les jugeait impossibles. La terreur, plus que les murs, défendait les sanctuaires. Mâtho, à chaque pas, s’attendait à mourir.

Une lueur vacillait au fond des ténèbres ; ils s’en rapprochèrent. C’était une lampe qui brûlait dans une coquille sur le piédestal d’une statue, coiffée du bonnet des Cabires. Des disques en diamant parsemaient sa longue robe bleue, et des chaînes, qui s’enfonçaient sous les dalles, l’attachaient au sol par les talons. Mâtho retint un cri. Il balbutiait :

— Ah ! la voilà ! la voilà !…

Spendius prit la lampe, afin de s’éclairer.

— Quel impie tu es ! murmura Mâtho.

Il le suivait pourtant.

L’appartement où ils entrèrent n’avait rien qu’une peinture noire représentant une autre femme. Ses jambes montaient jusqu’au haut de la muraille. Son corps occupait le plafond tout entier. De son nombril pendait à un fil un œuf énorme, et elle retombait sur l’autre mur, la tête