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réussi. Aucun des Mercenaires ne connaissait la montagne, et, marchant à la tête des colonnes, ils avaient entraîné les autres. Les roches, un peu étroites par la base, s’étaient facilement abattues ; et tandis que tous couraient, son armée, dans l’horizon, avait crié comme en détresse. Hamilcar, il est vrai, pouvait perdre ses vélites, la moitié seulement y resta. Il en eût sacrifié vingt fois davantage pour le succès d’une pareille entreprise.

Jusqu’au matin, les Barbares se poussèrent en files compactes d’un bout à l’autre de la plaine. Ils tâtaient la montagne avec leurs mains, cherchant à découvrir un passage.

Enfin le jour se leva ; ils aperçurent partout autour d’eux une grande muraille blanche, taillée à pic. Et pas un moyen de salut, pas un espoir ! Les deux sorties naturelles de cette impasse étaient fermées par la herse et par l’amoncellement des roches.

Tous se regardèrent sans parler. Ils s’affaissèrent sur eux-mêmes, en se sentant un froid de glace dans les reins, et aux paupières une pesanteur accablante.

Ils se relevèrent et bondirent contre les roches. Mais les plus basses, pressées par le poids des autres, étaient inébranlables. Ils tâchèrent de s’y cramponner pour atteindre au sommet ; la forme ventrue de ces grosses masses repoussait toute prise. Ils voulurent fendre le terrain des deux côtés de la gorge : leurs instruments se brisèrent. Avec les mâts des tentes, ils firent un grand feu ; le feu ne pouvait pas brûler la montagne.

Ils revinrent sur la herse ; elle était garnie de longs clous, épais comme des pieux, aigus comme