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rages et de viandes sèches. On s’empressa vite autour d’eux ; on leur donna des noms. L’arrivée d’un pareil secours réjouissait encore moins les Carthaginois que le spectacle même de ces forts animaux consacrés au Baal ; c’était un gage de sa tendresse, une preuve qu’il allait enfin, pour les défendre, se mêler de la guerre.

Narr’Havas reçut les compliments des Anciens. Puis il monta vers le palais de Salammbô.

Il ne l’avait pas revue depuis cette fois où, dans la tente d’Hamilcar, entre les cinq armées, il avait senti sa petite main froide et douce attachée contre la sienne ; après les fiançailles, elle était partie pour Carthage. Son amour, détourné par d’autres ambitions, lui était revenu ; et maintenant il comptait jouir de ses droits, l’épouser, la prendre.

Salammbô ne comprenait pas comment ce jeune homme pourrait jamais devenir son maître ! Bien qu’elle demandât, tous les jours, à Tanit, la mort de Mâtho, son horreur pour le Libyen diminuait. Elle sentait confusément que la haine dont il l’avait persécutée était une chose presque religieuse ; et elle aurait voulu voir dans la personne de Narr’Havas comme un reflet de cette violence, qui la tenait encore éblouie. Elle souhaitait le connaître davantage, et cependant sa présence l’eût embarrassée. Elle lui fit répondre qu’elle ne devait pas le recevoir.

D’ailleurs, Hamilcar avait défendu à ses gens d’admettre chez elle le roi des Numides ; en reculant jusqu’à la fin de la guerre cette récompense, il espérait entretenir son dévouement ; et Narr’Havas, par crainte du Suffète, se retira.

Mais il se montra hautain envers les Cent. Il