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enfants emmaillotés, dont les talons frôlaient la terre.

Ensuite venaient toutes les formes inférieures de la divinité : Baal-Samin, dieu des espaces célestes ; Baal-Peor, dieu des monts sacrés ; Baal-Zeboub, dieu de la corruption, et ceux des pays voisins et des races congénères ; l’Iarbal de la Libye, l’Adrammelech de la Chaldée, le Kijun des Syriens ; Derceto, à figure de vierge, rampait sur ses nageoires, et le cadavre de Tammouz était traîné au milieu d’un catafalque, entre des flambeaux et des chevelures. Pour asservir les rois du firmament au Soleil et empêcher que leurs influences particulières ne gênassent la sienne, on brandissait au bout de longues perches des étoiles en métal diversement coloriées ; tous s’y trouvaient, depuis le noir Nebo, génie de Mercure, jusqu’au hideux Rahab, qui est la constellation du Crocodile. Les Abaddirs, pierres tombées de la lune, tournaient dans des frondes en fils d’argent ; de petits pains, reproduisant le sexe d’une femme, étaient portés sur des corbeilles par les prêtres de Cérès ; d’autres amenaient leurs fétiches, leurs amulettes ; des idoles oubliées reparurent ; et même on avait pris aux vaisseaux leurs symboles mystiques, comme si Carthage eût voulu se recueillir tout entière dans une pensée de mort et de désolation.

Devant chacun des tabernacles, un homme tenait en équilibre, sur sa tête, un large vase où fumait de l’encens. Des nuages çà et là planaient, et l’on distinguait, dans ces grosses vapeurs, les tentures, les pendeloques et les broderies des pavillons sacrés. Ils avançaient lentement, à cause