Page:Flaubert - Salammbô.djvu/325

Cette page a été validée par deux contributeurs.

lin, des pilons, des cuves, des tonneaux, des lits, tout ce qui pouvait faire un poids et assommer. Quelques-uns guettaient dans les embrasures avec un filet de pêcheur ; quand arrivait le Barbare, il se trouvait pris sous les mailles et se débattait comme un poisson. Ils démolissaient eux-mêmes leurs créneaux ; des pans de mur s’écroulaient en soulevant une grande poussière ; les catapultes de la terrasse tirant les unes contre les autres, leurs pierres se heurtaient, et éclataient en mille morceaux qui faisaient sur les combattants une large pluie.

Bientôt les deux foules ne formèrent plus qu’une grosse chaîne de corps humains ; elle débordait dans les intervalles de la terrasse, et, un peu plus lâche aux deux bouts, se roulait sans avancer, perpétuellement. Ils s’étreignaient, couchés à plat ventre comme des lutteurs. Les femmes, penchées sur les créneaux, hurlaient. On les tirait par leurs voiles, et la blancheur de leurs flancs, tout à coup découverts, brillait entre les bras des Nègres y enfonçant des poignards. Des cadavres, trop pressés dans la foule, ne tombaient pas ; soutenus par les épaules de leurs compagnons, ils allaient quelques minutes tout debout et les yeux fixes. Quelques-uns, les deux tempes traversées par une javeline, balançaient leur tête comme des ours. Des bouches ouvertes pour crier restaient béantes ; des mains s’envolaient coupées. Il y eut là de grands coups, et dont parlèrent pendant longtemps ceux qui survécurent.

Des flèches jaillissaient du sommet des tours de bois et des tours de pierre. Les tollénones faisaient aller rapidement leurs longues antennes ; et comme