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du blé ; ses intendants le donnèrent au peuple. Pendant trois jours on se gorgea.

La soif n’en devint que plus intolérable ; et toujours ils voyaient devant eux la longue cascade que faisait, en tombant, l’eau claire de l’aqueduc.

Hamilcar ne faiblissait pas. Il comptait sur un événement, sur quelque chose de décisif, d’extraordinaire.

Ses propres esclaves arrachèrent les lames d’argent du temple de Melkarth ; on tira du port quatre longs bateaux, avec des cabestans on les amena jusqu’au bas des Mappales, le mur qui donnait sur le rivage fut troué ; et ils partirent pour les Gaules afin d’y acheter, n’importe à quel prix, des Mercenaires. Cependant Hamilcar se désolait de ne pouvoir communiquer avec le roi des Numides, car il le savait derrière les Barbares et prêt à tomber sur eux. Mais Narr’Havas, trop faible, n’allait pas se risquer seul ; le Suffète fit rehausser le rempart de douze palmes, entasser dans l’Acropole tout le matériel des arsenaux et encore une fois réparer les machines.

On se servait, pour les entortillages des catapultes, de tendons pris au cou des taureaux ou bien aux jarrets des cerfs. Il n’existait dans Carthage ni cerfs ni taureaux. Hamilcar demanda aux Anciens les cheveux de leurs femmes ; toutes les sacrifièrent ; la quantité ne fut pas suffisante. On avait, dans les bâtiments des Syssites, douze cents esclaves nubiles, de celles que l’on destinait aux prostitutions de la Grèce et de l’Italie, et leurs cheveux, rendus élastiques par l’usage des onguents, se trouvaient merveilleux pour les machines de guerre. La perte, plus tard, serait trop