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plus tranquilles, tout à coup des masses de peuple se précipitaient en criant ; et, du haut de l’Acropole, les incendies faisaient comme des haillons de pourpre dispersés sur les terrasses, et que le vent tordait.

Les trois grandes catapultes ne s’arrêtaient pas. Leurs ravages étaient extraordinaires ; ainsi la tête d’un homme alla rebondir sur le fronton des Syssites ; dans la rue de Kinisdo, une femme qui accouchait fut écrasée par un bloc de marbre, et son enfant, avec le lit, emporté jusqu’au carrefour de Cinasyn, où l’on retrouva la couverture.

Ce qu’il y avait de plus irritant, c’était les balles des frondeurs. Elles tombaient sur les toits, dans les jardins et au milieu des cours, tandis que l’on mangeait, attablé devant un maigre repas et le cœur gros de soupirs. Ces atroces projectiles portaient des lettres gravées qui s’imprimaient dans les chairs ; et, sur les cadavres, on lisait des injures, telles que pourceau, chacal, vermine, et parfois des plaisanteries : attrape ! ou : je l’ai bien mérité.

La partie du rempart qui s’étendait depuis l’angle des ports jusqu’à la hauteur des citernes fut enfoncée.

Alors les gens de Malqua se trouvèrent pris entre la vieille enceinte de Byrsa par derrière et les Barbares par devant. Mais on avait assez que d’épaissir la muraille et de la rendre le plus haut possible, sans s’occuper d’eux ; on les abandonna ; tous périrent ; et bien qu’ils fussent haïs généralement, on en conçut pour Hamilcar une grande horreur.

Le lendemain, il ouvrit les fosses où il gardait