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écrivit au Grand Conseil de l’en débarrasser, et Hannon rentra dans Carthage, furieux contre la bassesse des Anciens et la folie de son collègue. Après tant d’espérances, on se retrouvait dans une situation encore plus déplorable ; on tâchait de n’y pas réfléchir et même de n’en point parler.

Comme si ce n’était pas assez d’infortunes à la fois, on apprit que les Mercenaires de la Sardaigne avaient crucifié leur général, saisi les places fortes et partout égorgé les hommes de race chananéenne. Le peuple romain menaça la République d’hostilités immédiates, si elle ne donnait douze cents talents avec l’île de Sardaigne tout entière. Il avait accepté l’alliance des Barbares, et il leur expédia des bateaux plats chargés de farine et de viandes sèches. Les Carthaginois les poursuivirent, capturèrent cinq cents hommes ; mais trois jours après, une flotte qui venait de la Bysacène, apportant des vivres à Carthage, sombra dans une tempête. Les dieux évidemment se déclaraient contre elle.

Alors les citoyens d’Hippo-Zaryte, prétextant une alarme, firent monter sur leurs murailles les trois cents hommes d’Hannon ; puis, survenant derrière eux, ils les prirent aux jambes et les jetèrent par-dessus les remparts, tout à coup. Quelques-uns, qui n’étaient pas morts, furent poursuivis et allèrent se noyer dans la mer.

Utique endurait des soldats, car Magdassan avait fait comme Hannon, et, d’après ses ordres, il entourait la ville, sourd aux prières d’Hamilcar. Pour ceux-là, on leur donna du vin mêlé de mandragore, puis on les égorgea dans leur som-