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nues. Une odeur nauséabonde s’exhalait des cadavres mal enfouis ; quelques-uns même sortaient de terre jusqu’au ventre. Spendius les appelait à lui pour témoigner des choses qu’il disait ; puis il levait ses poings du côté d’Hamilcar.

Mâtho l’observait d’ailleurs et, afin de couvrir sa lâcheté, il étalait une colère où, peu à peu, il se trouvait pris lui-même. En se dévouant aux dieux, il accumula des malédictions sur les Carthaginois. Le supplice des captifs était un jeu d’enfants. Pourquoi donc les épargner et traîner toujours derrière soi ce bétail inutile.

— Non ! il faut en finir ! leurs projets sont connus ! un seul peut nous perdre ! pas de pitié ! On reconnaîtra les bons à la vitesse des jambes et à la force du coup.

Ils retournèrent sur les captifs. Plusieurs râlaient encore ; on les acheva en leur enfonçant le talon dans la bouche, ou bien on les poignardait avec la pointe d’un javelot.

Ensuite ils songèrent à Giscon. Nulle part on ne l’apercevait ; une inquiétude les troubla. Ils voulaient tout à la fois se convaincre de sa mort et y participer. Trois pasteurs samnites le découvrirent à quinze pas de l’endroit où s’élevait naguère la tente de Mâtho. Ils le reconnurent à sa longue barbe, et ils appelèrent les autres.

Étendu sur le dos, les bras contre les hanches et les genoux serrés, il avait l’air d’un mort disposé pour le sépulcre. Cependant, ses côtes maigres s’abaissaient et remontaient, et ses yeux, largement ouverts au milieu de sa figure toute pâle, regardaient d’une façon continue et intolérable.

Les Barbares le considérèrent avec un grand