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des casques levés au bout des piques ; en saluant les Mercenaires, ils leur demandaient s’ils n’avaient rien à faire dire dans leurs patries.

D’autres se rapprochèrent, et les Barbares reconnurent quelques-uns de leurs anciens compagnons.

Le Suffète avait proposé à tous les captifs de servir dans ses troupes. Plusieurs avaient intrépidement refusé ; bien résolu à ne point les nourrir ni à les abandonner au Grand Conseil, il les avait renvoyés, en leur ordonnant de ne plus combattre Carthage. Quant à ceux que la peur des supplices rendait dociles, on leur avait distribué les armes de l’ennemi ; et maintenant ils se présentaient aux vaincus, moins pour les séduire que par un mouvement d’orgueil et de curiosité.

Ils racontèrent les bons traitements du Suffète ; les Barbares les écoutaient tout en les jalousant, bien qu’ils les méprisassent. Aux premières paroles de reproche, les lâches s’emportèrent ; de loin ils leur montraient leurs propres épées, leurs cuirasses, et les conviaient avec des injures à venir les prendre. Les Barbares ramassèrent des cailloux ; tous s’enfuirent ; et l’on ne vit plus, au sommet de la montagne, que les pointes des lances dépassant le bord des palissades.

Une douleur, plus lourde que l’humiliation de la défaite, accabla les Barbares. Ils songeaient à l’inanité de leur courage. Ils restaient les yeux fixes en grinçant des dents.

La même idée leur vint. Ils se précipitèrent en tumulte sur les prisonniers carthaginois. Les soldats du Suffète, par hasard, n’avaient pu les dé-