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dait les hurlements de ceux qui étaient dans les cabanes ; les éléphants, les bœufs et les chevaux bondissaient au milieu de la foule en l’écrasant, avec les munitions et les bagages que l’on tirait de l’incendie. Des trompettes sonnèrent. On appelait : « Mâtho ! Mâtho ! » Des gens à la porte voulaient entrer.

— Viens donc ! c’est Hamilcar qui brûle le camp d’Autharite !

Il fit un bond. Elle se trouva toute seule.

Alors elle examina le zaïmph ; et quand elle l’eut bien contemplé, elle fut surprise de ne pas avoir ce bonheur qu’elle s’imaginait autrefois. Elle restait mélancolique devant son rêve accompli.

Le bas de la tente se releva, et une forme monstrueuse apparut. Salammbô ne distingua d’abord que les deux yeux, avec une longue barbe blanche qui pendait jusqu’à terre ; car le reste du corps, embarrassé dans les guenilles d’un vêtement fauve, traînait contre le sol ; à chaque mouvement pour avancer, les deux mains entraient dans la barbe, puis retombaient. En rampant ainsi, elle arriva jusqu’à ses pieds, et Salammbô reconnut le vieux Giscon.

Les Mercenaires, pour empêcher les anciens captifs de s’enfuir, à coups de barre d’airain leur avaient cassé les jambes ; et ils périssaient tous pêle-mêle, dans une fosse, au milieu des immondices. Les plus robustes, quand ils entendaient le bruit des gamelles, se haussaient en criant ; c’est ainsi que Giscon avait aperçu Salammbô. Il avait deviné une Carthaginoise, aux petites boules de sandastrum qui battaient contre ses