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les Carthaginois, était, à cause du voile, comme le roi des Barbares ; il ajouta que le salut de la République et de son père dépendait d’elle seule.

— De moi ! s’écria-t-elle, comment puis-je… ?

Mais le prêtre, avec un sourire de dédain :

— Jamais tu ne consentiras !

Elle le suppliait. Enfin Schahabarim lui dit :

— Il faut que tu ailles chez les Barbares reprendre le zaïmph !

Elle s’affaissa sur l’escabeau d’ébène ; et elle restait les bras allongés sur ses genoux, avec un frisson de tous ses membres, comme une victime au pied de l’autel quand elle attend le coup de massue. Ses tempes bourdonnaient, elle voyait tourner des cercles de feu, et, dans sa stupeur, ne comprenait plus qu’une chose, c’est que certainement elle allait bientôt mourir.

Mais si la Rabbet triomphait, si le zaïmph était rendu et Carthage délivrée, qu’importe la vie d’une femme ! pensait Schahabarim. D’ailleurs, elle obtiendrait peut-être le voile et ne périrait pas.

Il fut trois jours sans revenir ; le soir du quatrième, elle l’envoya chercher.

Pour mieux enflammer son cœur, il lui apportait toutes les invectives que l’on hurlait contre Hamilcar en plein Conseil ; il lui disait qu’elle avait failli, qu’elle devait réparer son crime, et que la Rabbet ordonnait ce sacrifice.

Souvent une large clameur traversant les Mappales arrivait dans Mégara. Schahabarim et Salammbô sortaient vivement ; et, du haut de l’escalier des galères, ils regardaient.

C’étaient des gens sur la place de Khamon qui