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tisans proposaient de lui décerner des prérogatives et des honneurs nouveaux.

Il avait sollicité les Anciens de faire des ouvertures à Autharite pour échanger, contre tous les Barbares s’il le fallait, le vieux Giscon avec les autres Carthaginois détenus comme lui. Les Libyens et les Nomades qui composaient l’armée d’Autharite connaissaient à peine ces Mercenaires, hommes de race italiote ou grecque ; et puisque la République leur offrait tant de Barbares contre si peu de Carthaginois, c’est que les uns étaient de nulle valeur et que les autres en avaient une considérable. Ils craignaient un piège. Autharite refusa.

Les Anciens décrétèrent l’exécution des captifs, bien que le Suffète leur eût écrit de ne pas les mettre à mort. Il comptait incorporer les meilleurs dans ses troupes et exciter par là des défections. Mais la haine emporta toute réserve.

Les deux mille Barbares furent attachés dans les Mappales, contre les stèles des tombeaux ; et des marchands, des goujats de cuisine, des brodeurs et même des femmes, les veuves des morts avec leurs enfants, tous ceux qui voulaient, vinrent les tuer à coups de flèches. On les visait lentement, pour mieux prolonger leur supplice ; on baissait son arme, puis on la relevait tour à tour ; et la multitude se poussait en hurlant. Des paralytiques se faisaient amener sur des civières ; beaucoup, par précaution, apportaient leur nourriture et restaient là jusqu’au soir ; d’autres y passaient la nuit. On avait planté des tentes où l’on buvait. Plusieurs gagnèrent de fortes sommes à louer des arcs.