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poussa d’abord les gens d’occupations sédentaires, puis ceux qui avaient le ventre trop gros ou l’aspect pusillanime ; et il admit des hommes déshonorés, la crapule de Malqua, des fils de Barbares, des affranchis. Pour récompense, il promit à des Carthaginois nouveaux le droit de cité complet.

Son premier soin fut de réformer la Légion. Ces beaux jeunes hommes qui se considéraient comme la majesté militaire de la République, se gouvernaient eux-mêmes. Il cassa leurs officiers ; il les traitait rudement, les faisait courir, sauter, monter tout d’une haleine la pente de Byrsa, lancer des javelots, lutter corps à corps, coucher la nuit sur les places. Leurs familles venaient les voir et les plaignaient.

Il commanda des glaives plus courts, des brodequins plus forts. Il fixa le nombre des valets et réduisit les bagages ; et comme on gardait dans le temple de Moloch trois cents pilums romains, malgré les réclamations du pontife il les prit.

Avec ceux qui étaient revenus d’Utique et d’autres que les particuliers possédaient, il organisa une phalange de soixante-douze éléphants et les rendit formidables. Il arma leurs conducteurs d’un maillet et d’un ciseau, afin de pouvoir dans la mêlée leur fendre le crâne s’ils s’emportaient.

Il ne permit point que ses généraux fussent nommés par le Grand Conseil. Les Anciens tâchaient de lui objecter les lois, il passait au travers ; on n’osait plus murmurer, tout pliait sous la violence de son génie.

À lui seul il se chargeait de la guerre, du gouvernement et des finances ; et, afin de prévenir les