Page:Flaubert - Salammbô.djvu/180

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Il alla de l’autre côté des jardins inspecter, dans leurs cabanes, les artisans domestiques dont on vendait les produits. Des tailleurs brodaient des manteaux, d’autres tressaient des filets, d’autres peignaient des coussins, découpaient des sandales ; des ouvriers d’Égypte avec un coquillage polissaient des papyrus ; la navette des tisserands claquait, les enclumes des armuriers retentissaient.

Hamilcar leur dit :

— Battez des glaives ! battez toujours ! il m’en faudra.

Et il tira de sa poitrine la peau d’antilope macérée dans les poisons pour qu’on lui taillât une cuirasse plus solide que celles d’airain ! et qui serait inattaquable au fer et à la flamme.

Dès qu’il abordait les ouvriers, Abdalonim, afin de détourner sa colère, tâchait de l’irriter contre eux en dénigrant leurs ouvrages par des murmures.

— Quelle besogne ! c’est une honte ! Vraiment le Maître est trop bon.

Hamilcar, sans l’écouter, s’éloignait.

Il se ralentit, car de grands arbres calcinés d’un bout à l’autre, comme on en trouve dans les bois où les pasteurs ont campé, barraient les chemins ; et les palissades étaient rompues, l’eau des rigoles se perdait, des éclats de verres, des ossements de singes apparaissaient au milieu des flaques bourbeuses. Quelque bribe d’étoffe pendait çà et là aux buissons ; sous les citronniers les fleurs pourries faisaient un fumier jaune. En effet, les serviteurs avaient tout abandonné, croyant que le Maître ne reviendrait plus.

À chaque pas, il découvrait quelque désastre