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cations de Salammbô retentissaient en se multipliant.

Tout à coup, une longue flèche siffla, puis une autre, et des pierres ronflaient ; mais les coups, mal dirigés (car on avait peur d’atteindre le zaïmph), passaient au-dessus de sa tête. D’ailleurs, se faisant du voile un bouclier, il le tendait à droite, à gauche, devant lui, par derrière ; et ils n’imaginaient aucun expédient. Il marchait de plus en plus vite, s’engageant par les rues ouvertes. Elles étaient barrées avec des cordes, des chariots, des pièges ; à chaque détour il revenait en arrière. Enfin il entra sur la place de Khamon, où les Baléares avaient péri ; Mâtho s’arrêta, pâlissant comme quelqu’un qui va mourir. Il était bien perdu, cette fois ; la multitude battait des mains.

Il courut jusqu’à la grande porte fermée. Elle était très haute, toute en cœur de chêne, avec des clous de fer et doublée d’airain. Mâtho se jeta contre. Le peuple trépignait de joie, voyant l’impuissance de sa fureur ; alors il prit sa sandale, cracha dessus et en souffleta les panneaux immobiles. La ville entière hurla. On oubliait le voile maintenant, et ils allaient l’écraser. Mâtho promena sur la foule de grands yeux vagues. Ses tempes battaient à l’étourdir ; il se sentait envahi par l’engourdissement des gens ivres. Tout à coup il aperçut la longue chaîne que l’on tirait pour manœuvrer la bascule de la porte. D’un bond il s’y cramponna, en raidissant ses bras, en s’arc-boutant des pieds ; et, à la fin, les battants énormes s’entr’ouvrirent.

Quand il fut dehors, il retira de son cou le grand zaïmph et l’éleva sur sa tête le plus haut possible.