Page:Flaubert - Par les champs et par les grèves.djvu/78

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Au delà de la seconde enceinte, dans un champ labouré, on reconnaît les restes d’une chapelle, aux fûts brisés d’un portail ogival. L’avoine y a poussé, et les arbres ont remplacé les colonnes. Cette chapelle, jadis, était pleine d’ornements d’or et de soie, d’encensoirs, de chandeliers, de calices, de croix, de pierreries, de plats de vermeil, de burettes d’or ; un chœur de trente chanteurs, chapelains, musiciens, enfants, y poussaient des hymnes aux sons d’un orgue qui les suivait quand ils allaient en voyage. Ils étaient couverts d’habits d’écarlate fourrés de petit-gris et de menu-vair. Il y en avait un que l’on appelait l’archidiacre, un autre que l’on appelait l’évêque, et on demandait au pape qu’il leur fût permis de porter la mitre comme à des chanoines ; car cette chapelle était la chapelle et ce château était un des châteaux de Gilles de Laval, sire de Rouci, de Montmorency, de Retz et de Craon, lieutenant général du duc de Bretagne et maréchal de France, brûlé à Nantes, le 25 octobre 1440, dans la Prée de la Madeleine, comme faux monnayeur, assassin, sorcier, sodomite et athée.

Il avait en meubles plus de cent mille écus d’or, trente mille livres de rente, et les profits de ses fiefs, et les gages de son office de maréchal ; cinquante hommes magnifiquement vêtus l’escortaient à cheval. Il tenait table ouverte, on y servait les viandes les plus rares, les vins les plus lointains, et on représentait des mystères chez lui comme dans les villes aux entrées des rois. Quand