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les joncs et les lentilles dans l’eau, les plantes des ruines et les gigantesques lierres qui, de la base au faîte, revêtaient la tour sous leur couche uniforme de verdure luisante, ont tous frémi et clapoté leur feuillage ; les blés dans les champs ont roulé leurs vagues blondes, qui s’allongeaient, sur les têtes mobiles des épis. La mare d’eau s’est ridée et a poussé un flot sur le pied de la tour ; les feuilles des lierres ont toutes frissonné ensemble, et un pommier en fleur a laissé tomber ses boutons roses.

Rien, le vent qui passe, l’herbe qui pousse, le ciel à découvert. Pas d’enfant en guenilles gardant une vache qui broute la mousse dans les cailloux ; pas même, comme ailleurs, quelque chèvre solitaire sortant sa tête barbue par une crevasse de remparts et qui s’enfuit effrayée en faisant remuer les broussailles ; pas un oiseau chantant, pas un nid, pas un bruit ! Ce château est comme un fantôme, muet, abandonné dans cette campagne déserte ; il a l’air maudit et plein de ressouvenances farouches. Il fut habité pourtant, ce séjour triste dont les hiboux maintenant semblent ne pas vouloir. Dans le donjon, entre quatre murs livides comme le fond des vieux abreuvoirs, nous avons compté la trace de cinq étages. À trente pieds en l’air, ayant encore ses deux piliers ronds et sa plaque noircie, une cheminée est restée suspendue. Il est tombé de la terre dessus et des plantes y sont venues comme dans une jardinière qui serait restée là.