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je sois volontiers de l’avis de M. Richer et que je pense comme lui que l’inscription n’était pas utile, je ne peux cependant résister au plaisir de la transcrire.

Héloïse peut-être erra sur ce rivage,
Quand aux yeux des jaloux dérobant son séjour
Dans les murs du Pollet elle vint mettre au jour
Un fils, cher et malheureux gage
De ses plaisirs furtifs et de son tendre amour.
Peut-être en ce réduit sauvage,
Seule plus d’une fois elle vint soupirer
Et goûter librement la douceur de pleurer.
Peut-être, sur ce roc assise,
Elle rêvait à son malheur.
J’y veux rêver aussi ! j’y veux remplir mon cœur
Du doux souvenir d’Héloïse.

Et là-dessus le visiteur ingénu s’efforce à se figurer Héloïse errante sur ce rivage avec le petit Astrolabe qu’elle tient par la main, il s’apitoie sur le résultat de ses plaisirs furtifs et de son tendre amour ; il est vrai que si l’idée du tendre amour l’afflige, le tableau des plaisirs furtifs le ragaillardit un peu ; il tâche de trouver sauvage ce réduit, il ne s’en doutait pas tout à l’heure, mais cependant if le trouve sauvage en effet ; enfin il la voit pleurant sur le roc assise, rêvant à son malheur, et il veut rêver aussi, il veut remplir son cœur du doux souvenir d’Héloïse. Il le remplit donc ou du moins il fait tout son possible pour le remplir. Mais non, il ne le remplit pas assez, il ne le remplit pas à son gré, il voudrait l’en remplir tout à fait, l’en combler, l’en bourrer, l’en faire