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Sur un coteau au pied duquel se joignent deux rivières, dans un frais paysage égayé par les claires couleurs des toits en tuiles abaissés à l’italienne et groupés là ainsi que dans les croquis d’Hubert, près d’une longue cascade basse qui fait tourner un moulin, tout caché dans le feuillage, le château de Clisson montre sa tête ébréchée par-dessus les grands arbres. À l’entour, c’est calme et doux. Les maisonnettes rient comme sous un ciel chaud ; les eaux font leur bruit, la mousse floconne sur le courant où se trempent de molles touffes de verdure. L’horizon s’allonge, d’un côté, dans une perspective de prairies et, de l’autre, remonte tout à coup, enclos par un vallon boisé dont le flot vert s’évase et descend jusqu’en bas.

Quand on a passé le pont et qu’on se trouve au pied du sentier raide qui mène au château, on voit, debout, hardi et dur sur le fossé où il s’appuie dans un aspect vivace et formidable, un grand pan de muraille tout couronné de mâchicoulis éventrés, tout empanaché d’arbres et tout tapissé de lierres dont la masse ample et nourrie, découpée sur la pierre grise en déchirures et en fusées, frissonne au vent dans toute sa longueur et semble un immense voile vert que le géant couché remue, en rêvant, sur ses épaules. Les herbes sont hautes et sombres, les plantes sont fortes et dardues ; le tronc des lierres, noueux, rugueux, tordu, soulève les murs comme avec des leviers, ou les retient dans le réseau de