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à me rien figurer sur le créateur de cette pudique immondicité. J’aime à croire que le Conseil municipal en entier y a pris part, que MM. les ecclésiastiques l’avaient sollicitée, et que les dames l’ont trouvée convenable.

Nous avons été ensuite au muséum d’histoire naturelle, maigre collection qui, je pense, n’est pas curieuse pour un savant, mais où il y a néanmoins une momie égyptienne, debout, à côté de son cercueil peint, des coraux tout roses, des coquilles nacrées et des crocodiles suspendus au plafond. Il y a aussi dans un bocal d’esprit-de-vin deux petits cochons unis ensemble par le ventre et qui, cabrés sur leurs pattes de derrière, relevant la queue et clignant des yeux, sont, ma foi, fort plaisants. Placés ainsi à côté de deux fœtus humains, de monstruosité analogue, ils en disent peut-être plus long que beaucoup de nos œuvres. Mais quel est celui qui saura voir, dans ces manifestations irrégulières de la vie, les expressions multiples et graduées de cet art inconnu, qui gît dans son immobilité mystérieuse au fond des océans, dans les profondeurs du globe, dans le foyer de la lumière, y variant les créations successives et perpétuant l’Être.

Depuis six mille ans qu’il l’étudie, l’homme commence peut-être à épeler la première lettre de cet alphabet qui n’a pas d’oméga. Quand pourra-t-il lire une phrase ?

Si ce que l’on appelle les monstruosités de la nature ont entre elles leurs rapports anatomiques,