Page:Flaubert - Par les champs et par les grèves.djvu/477

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de travaux qu’un honnête homme ne peut en accomplir ; dans un mois ce sera la même chose, je serai à la même table, sur la même chaise et toujours ainsi de même. Mais je me console en pensant que cet hiver je pourrai boire quelquefois du champagne frappé et manger du canard sauvage ; et puis quand reviendra la saison où les blés commencent à mûrir, je m’en irai aussi dans les champs ou dans les îles de la Seine, je nagerai en regardant les arbres qui se mirent au bord, je fumerai une pipe à l’ombre, je laisserai aller ma barque à la dérive vers 5 heures, quand le soleil se couche, mais non !

Car je retournerai à Bordeaux, je passerai Saint-Jean-de-Luz, Irun ; j’irai en Espagne. Il serait trop stupide en effet qu’un homme bien élevé n’ait pas vu l’Andalousie ni les lauriers-roses qui bordent le Guadalquivir, ni l’Alhambra, ni Tolède, ni Séville, ni toutes ces vieilles villes aux balcons noirs, où les Inès chantent la nuit les romances du Cid.

Mais, de grâce, Arles aussi, et Marseille également, et Toulon, parce que je désire avant de mourir dîner encore deux ou trois fois chez M. Cauvière. Plus loin même, je dépasserai la bastide de Raynaud et j’irai à Venise, à Rome, à Naples, dans la baie de Baia, puisque je relis maintenant Tacite et que je vais apprendre Properce.

Mais la Méditerranée est si belle, si bleue, si calme, si souriante qu’elle vous appelle sur son