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Tandis que les autres étaient au bagne à soulever des poutres, à clouer la carcasse des vaisseaux, à manier le fer et le bois, ceux-là entendaient le bruit du vent dans les palmiers et dans les aloès, car il y a là des roseaux de l’Inde à forme étrange, et des bananiers, des agavés, des myrtes encore, des cactus, toutes ces belles plantes des contrées inconnues, sous lesquelles les tigres bondissent, les serpents s’enroulent, où les oiseaux bigarrés perchent et se mettent à chanter. Il me semble que cela doit leur amollir le cœur de vivre toujours avec ces plantes, avec ce silence, cet ombrage, toutes ces feuilles petites et grandes, ces petits bassins qui murmurent, ces jets d’eau qui arrosent ; il fait frais sous les arbres et chaud au soleil, le vent agite le branchage sur le treillis, il y a du jasmin qui embaume, des chèvrefeuilles, des fleurs dont je ne sais pas le nom, mais qui font qu’en les respirant on se sent le cœur faible et tout prêt à aimer ; des nénufars sont étendus dans les sources, avec des roseaux qui s’épanchent de tous côtés. Le vent avait renversé les arbustes et il agitait les palmiers dont le faîte murmurait, deux palmiers, de ceux qu’on appelle rois ; ils sont au bout du jardin, et si beaux que j’ai compris alors que Xercès en eut été amoureux et, comme à une maîtresse, ait passé à un d’eux autour du cou des anneaux et des colliers. Les rameaux du haut retombaient en gerbes avec des courbes douces et molles, ce mistrao qui soufflait en haut les poussait les uns sur les autres en leur faisant faire un