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modes d’engrais, etc. » ; je reposai le livre avec dégoût et m’avançai dans l’autre pièce. C’est là, à l’entrée et près de la porte, le vieux canapé de la famille, fané, à franges arrachées, aux couleurs ternies ; il est encore souple, on enfonce dans son duvet et on s’y met à rêver à bien des choses grandes.

C’est le lendemain matin, à 3 heures, que nous avons commencé notre grande tournée, expédition pour Bastia à travers la Corse. Après avoir embrassé notre excellent hôte, nous sommes partis dans sa voiture qui devait nous mener jusqu’à Bogogna. Le capitaine Laurelli nous accompagne et nous sommes conduits par l’ancien cocher de Pozzo di Borgo, le neveu du ministre russe assassiné il y a quelque temps dans sa voiture, en retournant chez lui. On nous avait montré sur la route de Vico la place où le meurtre s’accomplit, et nous vîmes les trous que les balles ont fait dans le granit de la route. Lestement emportés par nos deux chevaux arabes, nous arrivons vers midi à Bocognano, où nous déjeunons. Chemin faisant, le capitaine nous a raconté des histoires de bandits. M. Laurelli est un ancien bandit lui-même qui a tenu trois ans le maquis. Je ne me rappelle plus bien son histoire, mais c’est toujours l’injustice d’un général qui l’a forcé à fuir dans la campagne ; il était à cette époque maire de la commune d’Isolaccio. C’est lui qui, depuis, a purgé tout le Fiumorbo des bandes qui l’infestaient, et qui le premier a fait payer l’impôt à ce pays que l’on ne