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la rue Saint-Charles. À l’extérieur elle est peinte en blanc, toutes ses fenêtres ont des volets noirs ; la porte est basse et s’ouvre sur un escalier en marbre noir de même couleur, et dont la rampe en fer date de la même époque. La main de l’Empereur s’est appuyée dessus, à cette place où vous mettez la vôtre. Les chambres sont généralement belles, riches, ornées de rouge la plupart, et décorées dans le goût de la république ; le salon est grand, un canapé à droite en entrant, des glaces, un lustre en verre. La chambre où il est né donne sur une terrasse ; les volets qui étaient fermés quand nous y entrâmes, nous laissaient à peine voir le plancher, et de grandes barres de jour se dessinaient en blanc sur le parquet ciré, et le portrait de Napoléon, don qu’il a fait de Sainte-Hélène, était suspendu au fond. Le manteau impérial, couvert d’abeilles d’or, saillissait dans l’ombre malgré le crépuscule. On nous a ouvert les fenêtres, et le jour est entré et a inondé toute la pièce, découvrant tout, comme un drap qu’on eût retiré. Alors nous avons vu la cheminée, les murs, les tableaux, le tapis, le sofa, les statues ; les meubles étaient adossés à la muraille tendue de papier grisâtre à petits pois verts ; tout était propre, rangé, habité encore. Mais il n’y a plus le fauteuil où sa mère le mit au monde, ce n’est plus le même lit non plus. Sur la table de nuit se trouvait un livre, et retourné de manière à ne pouvoir en lire le titre. Je le pris et je lus : « Manuel du cultivateur provençal indiquant les divers