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nous faisant bonne mine et nous traitant en amis jusqu’au moment où il a pris un chemin de traverse dans le maquis. Nous sommes repartis pour Ajaccio le lendemain matin quand la lune nous éclairait encore ; le neveu de M. Multedo nous a fait la conduite jusqu’à Sagone, ainsi que le médecin du pays qui, tout en chevauchant près de nous, nous conte des histoires corses. Après avoir dit adieu à ces braves gens, nous avons repris le bord de la mer. C’était la même route, dans les mêmes maquis pleins d’arbousiers rouges et de myrtes en fleurs, le même azur sur les flots calmes que le soleil faisait resplendir. Çà et là nous voyions sur les eaux de grands cercles s’étendre et diminuer peu à peu, c’étaient des dauphins qui se jouaient, comme des chevaux dans une prairie et sortaient de leur retraite marine pour voir le soleil du matin.

À Calcatoggio, nous avons déjeuné sous le même lit de fougères sèches, en vue des trois golfes à qui j’ai dit un tendre et dernier adieu.

Il y a à Ajaccio une maison que les hommes qui naîtront viendront voir en pèlerinage ; on sera heureux d’en toucher les pierres, on en gravira dans dix siècles les marches en ruines, et on recueillera dans des cassolettes le bois pourri des tilleuls qui fleurissent encore devant la porte, et, émus de sa grande ombre, comme si nous voyions la maison d’Alexandre, on se dira : c’est pourtant là que l’Empereur est né !

Elle se trouve sur la place Laetitia et au coin de