Page:Flaubert - Par les champs et par les grèves.djvu/432

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

se tient leur berger, petit homme noir et trapu, véritable pâtre antique, appuyé tristement sur son long bâton. À ses pieds dort un chien fauve. La nuit venue, ils se réunissent tous ensemble et allument de grands feux que du fond des vallées on voit briller sur la montagne. Toutes les côtes chaque soir sont ainsi couronnées de ces taches lumineuses qui s’étendent dans tout l’horizon. J’ai vu dans toutes les forêts que j’ai traversées de grands pins calcinés encore debout, qu’ils allument sans les abattre pour passer la nuit autour de ces bûches de cent pieds. Ils reçoivent le baudet qui vient tranquillement se réchauffer à leur feu et ils attendent ainsi le jour tout en dormant ou en chantant. J’ai été surtout frappé de la physionomie antique du Corse dans un jeune homme qui nous a accompagnés le lendemain jusqu’à Guagno. Il était monté sur un petit cheval qui s’emportait à chaque instant sous lui ; son bonnet rouge brun retombait en avant comme un bonnet de la liberté. Une seule ligne seulement, interrompue par un sourcil noir faisant angle droit, s’étendait depuis le haut du front jusqu’au bout du nez ; bouche mince et fine, barbe noire et frisée comme dans les camées de César ; menton carré : un profil de médaille romaine.

J’ai eu une transition brusque en fait de physionomie,