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des manches à sabot et des bracelets), elles charment un jeune troubadour en veste et en culotte courte portant des favoris et leur jetant un regard en coulisse ; au fond un lac avec des peupliers. Il y a écrit au-dessous :

La volupté vous tente,
Fuyez, ne cédez pas,
Une joie innocente
Suivra tous vos combats.

On n’est pas venu me réveiller à 2 heures pour aller aux matines, la nuit s’est passée assez mal dans un lit taché de sang. Le matin, un matin gris et pâle, le déjeuner avec les mêmes inconcevables pensionnaires. Il y a une grande tristesse dans la nécessité de se lever de bonne heure pour manger. — Visite dans l’établissement : dans les ateliers pas de chants, un silence stupide ; salutations dans les corridors quand les moines vous rencontrent ; le petit bœuf dont on tournait les cornes ; ils ne nous ont pas parlé et ils voyaient que nous avions besoin d’explications, mais leurs yeux ! Deux moines en retraite dans le chapitre ; ceux-là vraiment jouaient bien ; au fond le siège de l’abbé avec la crosse. Réfectoire, couvert en bois, odeur humide et fade. — On pue beaucoup dans ce lieu de sainteté ! — Le réfectoire ainsi que le dortoir sont des lieux qu’on respecte spécialement, il n’est pas permis même aux étrangers d’y parler. — Le dortoir est d’une seule couleur et d’un bel aspect austère, gris couleur de bois ; le plafond comme le plancher est de bois, lit à colonnes carrées allant jusqu’au plafond ; entre chaque lit il y a un petit rideau en toile à matelas ; une paillasse ; un pot de chambre sous chaque lit. — Cimetière, toutes tombes pareilles avec des croix noires ; la seule différence est qu’aux moines on met la croix aux pieds, aux abbés à la tête. — Le frère hôtelier n’avait pas au cimetière la tenue confite des ecclésiastiques, il marchait sur les tombes sans façon. — Ce qu’il y a de mieux à la Meilleraye.
Nous étions si pressés d’en partir que nous n’avons pas