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revenions de Saint-Mandrier, que nous avons visité, guidés par un de ses médecins, M. Raynaud fils ; on m’y a fait admirer une église toute neuve bâtie par les forçats, j’ai admiré le coup de génie qui a fait construire un temple à Dieu par la main des assassins et des voleurs. Il est vrai que ça n’a rien coûté, mais il est vrai aussi qu’il est impossible, sinon absurde, d’y dire la messe : la forme ronde de cette bâtisse a contraint à placer l’autel sur un des points de la circonférence, de sorte qu’il est impossible que les fidèles puissent voir le prêtre. Je crois, au reste, que les fidèles qui viennent là y sont peu sensibles ; s’ils trempent les mains dans le bénitier placé à l’entrée, ce n’est uniquement que pour se les laver. Il faut voir la citerne de l’hôpital dont l’écho répète tous les sons avec un vacarme épouvantable ; on y tire des coups de fusil, on y joue du cornet à piston, on crie, on chante, on miaule, on fait toutes sortes de bruits absurdes pour avoir le plaisir de se les entendre répéter plus nombreux et plus forts.

La rade de Toulon est belle à voir, surtout quand, sorti des gorges d’OlliouIes, on la voit qui s’étend tout au loin dans son rayon de trois lieues de circuit, avec les mâts de tous ses vaisseaux, ses bricks, ses frégates, toutes ces voiles blanches qu’on hisse et qu’on abaisse. À droite, on a le fort Napoléon, au fond le fort Pharon. C’est par ce dernier que les républicains ont d’abord tenté le siège de la ville, qu’ils n’auraient jamais pu prendre sans le conseil de Bonaparte, qui affirma