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devant vous. À gauche toutes les montagnes de l’Auvergne, à droite la Catalogne, l’Espagne là devant vous, et l’esprit peut courir jusqu’à Séville, jusqu’à Tolède, dans l’Alhambra, jusqu’à Cordoue, jusqu’à Cadix, escaladant les montagnes et volant avec les aigles qui planent sur nos têtes, ainsi que d’une plage de l’Océan l’œil plonge dans l’horizon, suit le sillage des navires et voit de là, dans la lointaine Amérique, les bananiers en fleurs, et les hamacs suspendus aux platanes des forêts vierges.

À voir tous les pics hérissés qui s’abaissent et montent inégalement, les uns apparaissant derrière les autres, tous se pressant, serrés et portés au ciel dans des efforts immenses, on dirait les vagues colossales d’un océan de neige qui se serait immobilisé tout à coup.

En longeant la montagne le sentier se rétrécit, et les schistes calcaires sur lesquels on marche ressemblent à des lames de couteaux qui vous offriraient leur tranchant.

Quand on est arrivé à la hauteur de la Pigue, on est retourné vers la France que l’on aperçoit dans les nuages, et dont les plaines se dressent au loin comme des immenses tableaux suspendus, vous offrant des massifs d’arbres, des vallées qui ondulent, des plaines qui s’étendent à l’infini, spectacle d’aigles que vous contemplez du haut d’un amphithéâtre de 1,500 toises.

Dans les gorges des montagnes placées sous nous, des nuages blancs se formaient et montaient