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vaut bien coucher avec quantité de réalités plus palpables. N’a-t-on pas dit qu’en ces matières le plaisir n’était qu’imagination ? Concevez-vous donc alors, pour ceux qui en ont quelque peu, la volupté singulière, historique et xvie siècle, de poser sa tête sur l’oreiller de la maîtresse de François Ier et de se retourner sur ses matelas ? (Oh ! que je donnerais volontiers toutes les femmes de la terre pour avoir la momie de Cléopâtre !) Mais je n’oserais pas seulement, de peur de les casser, toucher aux porcelaines de Catherine de Médicis qui sont dans la salle à manger, ni mettre mon pied dans l’étrier de François Ier, de peur qu’il n’y restât, ni poser les lèvres sur l’embouchure de l’énorme trompe qui est dans la salle d’armes, de peur de m’y rompre la poitrine.

[1]Nous lui avons cependant dit adieu, à ce pauvre Chenonceaux, nous l’avons laissé avec ses beaux souvenirs, ses beaux portraits, ses belles armes et ses vieux meubles, dormant au bruit de sa rivière roucoulante, à l’ombre de ses grands arbres, sur son herbe verte ; et pleins de bonne humeur et les gourdes remplies, nous avons fait l’inauguration de nos sacs en allant à pied gagner Bléré, pour de là nous rendre à Tours en carriole.

Cette promenade n’a rien de récréatif, c’est une longue prairie assez maigre avec de rares peupliers pâles.

À Bléré, pendant qu’on donnait l’avoine au

  1. Inédit, pages 35 à 36.