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sous ce soleil doux ; il lui fallait chaque jour le lait de 3,600 vaches qu’il buvait à large pipée. Toute la contrée est faite à sa taille : plaines larges, arbres frais, eau calme, grand lit qui s’emplit parfois, avenue sans fin qui tourne au fastidieux par sa longueur.

Du reste rien d’original, rien de coloré, une platitude toute française jusqu’à Tours. Je me rappelle seulement trois petites filles qui m’ont demandé l’aumône à Montbazon, le premier relais en sortant de cette ville ; l’aînée surtout, qui avait dix ans à peine, m’a donné la première idée du Midi : pieds nus, elle courait dans la poussière en suivant la portière ; sa voix, qui répétait en crescendo la charité ! la charité ! la charité, avait quelque chose de nasillard et de glapissant ; des cheveux noirs et collés de sueur, un teint de bistre, des dents blanches qui se sont montrées à moi dans un éclat de rire enfantin quand la voiture est partie au galop. Charmante peinture de farce enfantine et de grâce naïve, perdue au milieu de la grande route et que m’a valu l’appât prolongé d’une petite pièce de deux sous.

À Poitiers, le Midi commence : larges bonnets, moins gracieux toutefois que ceux de Montbazon, quelque chose de sévère, autant que j’ai pu en juger par un mauvais dîner et me rappelant que le Poitou est la patrie des ..... Je garde un souvenir plus gracieux d’Angoulême et de la colline où elle est bâtie. On commence à rencontrer des attelages de bœufs qui m’ont fait penser au