Page:Flaubert - Par les champs et par les grèves.djvu/345

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du départ, voilà tout ce que j’ai vu, voilà tout ce que j’ai senti. Certes, je ne demandais pas mieux que de me fouiller l’esprit pour penser au xvie siècle en passant par Longjumeau, et de là par une association d’idées me laisser couler dans Brantôme et en plein Médicis, mais je n’en avais pas le cœur, de même qu’à Montléry, la tour ne m’a point rappelé de souvenirs. Expression des plus charmantes surtout comme il en arrive dans la bouche de ceux qui ne savent rien et qui l’adoptent par passion historique.

Quand je me suis réveillé le lendemain matin, la campagne avait changé ; il y avait de grands champs de vignes, éclairés du soleil levant, et c’était l’air frais du matin, à 5 heures, dans le mois d’août. Insensiblement le terrain s’abaisse et par une pente douce vous mène aux bords de la Loire que vous longez sur une chaussée de 17 lieues, depuis Blois jusqu’à Tours. Honnête pays, paysages bourgeois, nature comme on l’entend dans la poésie descriptive ; c’est là la Loire, mince filet d’eau au milieu d’un grand lit plein de sable, avec des bateaux qui se traînent à la remorque la voile haute, étroite et à moitié enflée par le vent sans vigueur. D’un autre côté, et sous un certain point de vue de symbolisme littéraire, ce pays m’a semblé représenter une face de la littérature française. À mesure que vous avancez, la vallée se déploie, les arbres de l’autre bord se mirent tranquillement dans l’eau, les coteaux boisés disparaissent les uns après les autres ; on aimerait ici à