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Cinquième tableau, Le Lever de la mariée. « Le mystère de Vénus est accompli, le sein de l’épouse a reçu le germe créateur qui dans neuf mois doit combler les époux d’un bonheur nouveau » ; le lit est défait ; sur le marbre de la table de nuit on voit les restes d’un pâté et une bouteille de vin entamée ; en dessous, dans l’intérieur, on aperçoit le pot de chambre, et une bonne jette du linge sale dans une armoire ; les parents arrivés dès l’aurore se précipitent dans les bras de leurs enfants ; les traits de la mariée sont abattus, ses bandeaux tout dénoués et sa chemise de nuit entr’ouverte. L’explication la déclare d’ailleurs « un peu lasse peut-être des nouveaux assauts de l’hymen, mais heureuse et le cœur plein d’une félicité suprême ». Le marié radieux, en robe de chambre azur à revers rouges avec une cordelière d’or, et des pantoufles de velours violet extra-pointues, confie à son père qui sourit encore « les charmes de la nuit passée », et la mariée confie à sa mère « l’ivresse qu’elle a ressentie » ; celle-ci l’engage « à cette pureté, à cette chasteté qui sont la base des États et qui font le bonheur d’une famille pendant les siècles entiers ».

Nous allâmes prendre l’air sur le quai où luisait un beau soleil ; la grève découverte était toute grise à cause de la vase qui la recouvrait et, sur sa couche lisse, glacée comme une crème, les barques vides, échouées dans toutes les postures du monde, avaient leurs filets suspendus qui séchaient au haut des mâts. Sur le bois des canots le gou-