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Manche, la contrée change d’aspect, elle devient moins rude, moins celtique, les dolmens se font plus rares, la lande diminue à mesure que les blés s’étendent, et peu à peu l’on entre ainsi dans ce fertile et plat pays de Léon, qui est, comme l’a si aimablement dit M. Pitre-Chevalier, « l’Attique de la Bretagne ».

Landerneau est un pays où il y a une promenade d’ormeaux au bord de la rivière et où nous vîmes courir dans les rues un chien effrayé qui tramait à sa queue une casserole attachée.

Pour aller au château de la Joyeuse-Garde, il faut d’abord suivre la rive de l’Elorn, et ensuite marcher longtemps dans un bois par un chemin creux où personne ne passe. Quelquefois le taillis s’éclaircit, alors à travers les branches, la prairie paraît ou bien la voile de quelque navire qui remonte la rivière. Notre guide marchait devant nous, loin, écarté. Seuls ensemble, nous foulions ce bon sol des bois où les bouquets violets des bruyères poussent dans le gazon tendre, parmi les feuilles tombées. On sentait les fraises, la framboise et la violette ; sur le tronc des arbres, les longues fougères étendaient leurs palmes grêles. Il faisait lourd ; la mousse était tiède. Caché sous la feuillée, le coucou poussait son cri prolongé ; dans les clairières, des moucherons bourdonnaient en tournoyant leurs ailes.

Tranquilles d’âme et balancés par la marche, épanchant à l’aise nos fantaisies causeuses qui s’en allaient comme des fleuves par de larges embou-