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empoignés n’importe par où, tirés du groupe et jetés par-dessus l’épaule, passaient dans l’air comme des bottes de foin qu’on engrange. Ce fut un éclair ; mais j’ai vu l’instant où les deux jeunes phénomènes allaient être ravalés à l’état de biftecks, et j’ai tremblé pour le bras qu’ils portent sur le dos.

Émus de cette algarade, sans doute, ils firent des façons pour se laisser voir. La vache reculait, le mouton donnait des coups de cornes ; enfin, on releva leurs housses vertes à franges jaunes ; leur appendice fut exhibé, et ainsi se termina la représentation.

[1]Ce genre de littérature (aussi littéraire que beaucoup d’autres, après tout) est fort goûté à Brest. La seconde fois que nous y retournâmes, un bourgeois de la ville avait amené son chien pour combattre, et un artilleur se disposait à lutter contre les trois ours. Malheureusement il passa par là un sergent qui le fit rentrer à la caserne, le public fut indigné et nous aussi.

Que voir ensuite à Brest et qu’y a-t-il ? Des maisons fort bêtes, un théâtre où l’on ne joue pas (et si l’on jouait !), des églises déplorables, une place d’armes carrée, puis une promenade, fort belle il est vrai, ayant vue sur la mer et plantée de grands arbres, où se réunit le soir la bonne société de l’endroit. De l’autre côté du port se trouve l’ancien quartier de Recouvrance. On

  1. Inédit, pages 255 à 257.