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les poumons par la bouche et annonçait, outre ces deux belles choses, des combats d’animaux féroces qui allaient commencer à l’heure même. Sous l’estrade on voyait un âne ; trois ours roupillaient à côté, et des aboiements de chiens, partant de l’intérieur de la baraque, se mêlaient au bruit sourd du tambour, aux cris saccadés du propriétaire des jeunes phénomènes et à ceux d’un autre drôle, non pas trapu, carré, jovial et gaillard comme lui, mais grand et maigre, de figure sinistre et vêtu d’une plaude en lambeaux : c’est son associé ; ils se sont rencontrés en route et ont uni leurs commerces. L’un a apporté les ours, l’âne et les chiens ; l’autre les deux phénomènes et un chapeau de feutre gris qui sert dans les représentations.

Le théâtre, à découvert sous le ciel, a pour muraille la toile grise qui frissonne au vent et s’en irait sans les pieux qui la retiennent. Une balustrade contenant les spectateurs règne le long des côtés de l’arène où, dans un coin à part, grignotant une botte de foin déliée, nous reconnaissons en effet les deux jeunes phénomènes recouverts de leur housse magnifique. Au milieu est fiché en terre un long poteau et, de place en place, à d’autres morceaux de bois plus petits, des chiens sont attachés avec des ficelles, s’y démènent et tirent dessus en aboyant. Le tambour bat toujours, on crie sur l’estrade, les ours grognent, la foule arrive.

On commença par amener un pauvre ours aux trois quarts paralytique et qui semblait considéra-