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est le malfaiteur ? Ce râteau, d’abord, lui appartenait-il ? ou était-il à un autre ? Est-ce bien avec cela qu’on a blessé ces femmes ? N’est-ce pas plutôt, comme je le répète, avec un instrument contondant ? Veulent-elles porter plainte ? Dans quel sens dois-je faire mon rapport ? Qu’en dites-vous, monsieur le commissaire ?

Les malheureuses ne répondaient rien, si ce n’est qu’elles souffraient toujours ; et quant à requérir la vengeance des lois, on leur laissa la nuit pour y réfléchir. La jeune fille pouvait à peine parler et la vieille avait également les idées fort confuses, vu qu’elle était ivre, à ce que disaient les voisins ; ce qui nous expliqua l’insensibilité qu’elle avait montrée pendant que nous la soulagions.

Après nous avoir fouillé des yeux, le mieux qu’ils purent, pour savoir qui nous étions, les autorités de Pont-l’Abbé nous souhaitèrent le bonsoir, en nous remerciant « des services que nous avions rendus au pays ». Nous remîmes notre nécessaire dans notre poche et le commissaire s’en alla avec son garde, le garde avec son sabre, le juge de paix avec le râteau.

[1]À peine montés dans nos chambres, nous y reçûmes la visite de deux gendarmes désireux de lire sur nos passeports nos noms, prénoms, domicile et profession, afin de les rapporter bien vite au commissaire et au juge de paix qui les atten-

  1. Inédit, pages 203 à 205.