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environs, nous nous disposâmes pour notre expédition du Finistère dont nous devions parcourir la côte à pied jusqu’à Brest. C’était une course de quatre-vingts lieues. Nous fîmes remettre une pièce à nos souliers et nous partîmes.

Notre première étape fut Concarneau que nous vîmes assez mal, car la pluie tombait à torrents, des ruisseaux jaunes coulaient au pied des maisons et, s’engouffrant au trou des parapets du port, se versaient sur les bancs de vase où étaient couchées sur le flanc des barques vides. L’eau coulait dessus et pénétrait la toile de leurs voiles endormies dans la boue comme un voyageur fatigué. À la prochaine marée cependant elles se relèveront et s’en iront emmenant avec elles le fucus ou la petite coquille qu’on voit accrochée aux planches de la carène et qui la suit partout dans les flots.

La mer était loin, la vue s’étendait sur les sables et se perdait vite dans la morne teinte du ciel barbouillé par les mille rainures de la pluie.

La ville est ceinte de murailles dont à marée haute la vague vient battre la base, les mâchicoulis sont encore intacts comme au temps de la reine Anne, et la ligne des pierres dentelées s’allonge sur les remparts droite et basse, en se découpant dans la brume.

Dans l’intervalle de deux ondées nous passâmes les portes et le pont-levis pour aller à une lieue de là voir la pierre branlante de Trégunc. La route, verdoyante, avait des coudes successifs