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lanières gluantes, l’eau débordait des petits cailloux, sortait par les fentes des pierres, faisait mille clapotements, mille jets. Le sable trempé buvait son onde, et, se séchant au soleil, blanchissait sa teinte jaune.

Dès qu’il y avait de la place pour nos pieds, sautant par-dessus les roches, nous continuions devant nous. Elles augmentèrent bientôt leur amoncellement désordonné ; tournées, bousculées, entassées dans tous les sens, renversées l’une sur l’autre, nous nous cramponnions de nos mains qui glissaient, de nos pieds qui se crispaient en vain sur leurs aspérités visqueuses.

La falaise était haute, si haute qu’on en avait presque peur quand on levait la tête. Elle vous écrasait de sa placidité formidable et elle vous charmait pourtant ; car on la contemplait malgré soi et les yeux ne s’en lassaient pas.

Il passa une hirondelle, nous la regardâmes voler ; elle venait de la mer, elle montait doucement, coupant au tranchant de ses plumes l’air fluide et lumineux où ses ailes nageaient en plein et semblaient jouir de se déployer toutes libres. Elle monta encore, dépassa la falaise, monta toujours et disparut.

Cependant nous rampions sur les rochers dont chaque détour de la côte nous renouvelait la perspective. Ils s’interrompaient par moments et alors nous marchions sur de grandes pierres carrées, plates comme des dalles, où des fentes qui se prolongeaient en avant deux à deux et presque symé-